La Gambie, la Guinée Bissau, la Mauritanie et le Sénégal s'engagent à coopérer sur les eaux souterraines partagées comme fondement de la stabilité régionale, du développement durable et de l'adaptation au climat

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Les ministres de la Gambie, de la Guinée Bissau, de la Mauritanie et du Sénégal ont convenu d'établir un cadre juridique et institutionnel pour la coopération sur le bassin aquifère sénégalo-mauritanien (BASM), un bassin aquifère (réserve d'eau souterraine) partagé dont dépendent 80 % de leurs populations. Dans un contexte de stress hydrique croissant, cette ressource est stratégique pour l'adaptation de la région au changement climatique, car elle est moins vulnérable que les eaux de surface. Sa gestion concertée contribuera à renforcer la paix entre les populations des quatre pays.

Une déclaration signée aujourd'hui à Genève lors de la 9ème session de la Réunion des Parties à la Convention sur l'eau de la CEE-ONU souligne l’engagement commun à mettre en place un mécanisme permanent de gestion concertée du bassin aquifère. "Les destins de nos pays sont liés par la ressource en eau qui traverse nos territoires et unit nos populations", ont souligné les quatre ministres, réunis pour la première fois pour discuter de cette question clé. Ce mécanisme, le premier du genre en Afrique de l'Ouest, ouvre la voie à une collaboration renforcée sur les ressources en eau souterraine partagées dans le monde entier.  

Le BASM s'étend sur environ 1 300 km avec une superficie de 331 450 km2 et une population estimée à plus de 20 millions d'habitants. La coopération sur cette ressource en eau vitale est essentielle car le bassin aquifère est soumis à une pression croissante due à la croissance démographique et à l'agriculture. Assurer sa gestion durable est donc crucial pour la stabilité de la région et sa sécurité hydrique, car les grandes villes, les communautés rurales et les secteurs économiques dépendent de cette ressource stratégique. La déclaration reconnaît en outre l'importance de garantir l'accès de tous à l'eau potable et à l'assainissement à la lumière de la pandémie de COVID-19 et souligne le rôle clé de ces services pour l'autonomisation des femmes.

La CEE-ONU, à travers le Secrétariat de la Convention sur l'eau, en partenariat avec le Geneva Water Hub, un centre spécialisé dans l'hydrodiplomatie rattaché à l'Université de Genève, et le Centre international d'évaluation des ressources en eaux souterraines de l'UNESCO soutient le développement de la coopération technique et politique sur le bassin aquifère depuis 2019, avec le soutien financier de l'Union européenne et de la Direction suisse de la coopération. Le dialogue établi a vu la mise en place en 2020 d'un groupe de travail régional pour la coopération transfrontalière sur le BASM, composé des quatre États ainsi que de l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) et de l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Cette plateforme a permis aux quatre Etats de s'accorder sur une vision commune de la coopération transfrontalière, opérationnalisée à travers un projet régional, qui a été validée par les quatre ministres en charge de l'eau lors de leur réunion.

La gestion conjointe renforcée du bassin aquifère s'appuiera sur la coopération pionnière sur les eaux de surface transfrontalières de la région par le biais de l'OMVG et de l'OMVS, avec le soutien de partenaires internationaux. Les deux organismes de bassin transfrontaliers assureront le secrétariat du groupe de travail régional qui élaborera le futur mécanisme intergouvernemental de gestion concertée du BASM.

Seule une poignée de ressources en eaux souterraines transfrontalières dans le monde sont couvertes par des accords de coopération officiels, et moins encore sont opérationnels, malgré leur rôle crucial dans la fourniture de ressources en eau.  Le deuxième rapport sur l'indicateur 6.5.2 des Objectifs de développement durable (ODD), qui mesure la coopération en matière d'eau transfrontalière, publié en août par la CEE-ONU et l'UNESCO au nom d'ONU-Eau, a souligné que si 153 pays partagent des rivières, des lacs et des aquifères transfrontaliers, seuls 24 pays déclarent avoir mis en place des accords opérationnels pour toutes leurs eaux transfrontalières, ce qui contraste avec la vision des ODD qui vise à garantir que toutes ces eaux soient couvertes par des accords opérationnels d'ici 2030. Le rythme des progrès doit donc être multiplié par quatre.

La déclaration appelle donc tous les pays à adhérer à la Convention des Nations unies sur l'eau et à la Convention sur les cours d'eau, les reconnaissant comme des "outils fondamentaux pour la promotion d'une gestion durable et non conflictuelle des eaux transfrontalières". Le Sénégal et la Guinée-Bissau font partie des quatre pays africains qui ont adhéré à la Convention sur l'eau au cours des dernières années, et la Gambie et la Mauritanie font partie de plusieurs autres pays qui prennent des mesures en vue de leur adhésion. 

Rôle de l’IGRAC

L’IGRAC fournit une assistance technique au Groupe de Travail Régional depuis juin 2020. L’IGRAC a contribué à plusieurs rapports d’évaluation sur l’état des ressources en eau souterraine, la disponibilité des données, et les besoins de renforcement des capacités. L’IGRAC assiste également le dialogue entre les quatre pays. Ce dialogue a conduit à une vision commune sur la coopération transfrontalière, qui a été validée par les ministres en charge de l’Eau.